Le cancer : la route vers soi

Le cancer a fait de moi ce que je suis. J’aurais préféré apprendre sans avoir à passer par ces épreuves. Pourtant, la vie les a bel et bien mises sur mon chemin. Alors je n’avais plus qu’une solution : y trouver du sens.

L’univers a mis deux cancers du sein sur ma route à dix ans d’écart, le premier en 2004 (grade III) et le second en 2014 (grade III avec deux nodules touchés). Deux explosions atomiques qui ont faconné ma vie et m’ont aidé à trouver qui je suis, aussi bizarre que cela puisse paraîttre.

C’est juste après le diagnostic de mon premier cancer que je pratique le yoga pour la toute première fois et rencontre ma prof de yoga, Aline Frati, à Paris (où je vivais). C’est aussi à ce moment-là que je rencontre un docteur nutritionniste, Dr Ithurriague. Moi qui suis abonnée à la charcuterie, au fromage et au vin, je me retrouve devant Dr Ithurriague m’expliquant l’impact de la nutrition sur le système immunitaire. Je prends la décision de changer mon alimentation, commence à pratiquer le yoga, découvre les bienfaits de la réflexologie et l’acupuncture. J’ai aussi la chance d’avoir tout le temps pour moi pendant l’année de mes traitements puisque le système de santé français me verse 100% de mon salaire.

C’est tout à la fois un temps de repos, de transformation profonde et de deuil de ma vie « d’avant ». Pendant une consultation, Dr. Ithurriague me raconte l’histoire de cet homme qui avait été diagnostiqué d’un cancer incurable. L’homme avait alors décidé de vivre son plus grand rêve : sillonner les mers sur un voilier. Au final, il avait guéri de sa maladie et vécu encore de longues années. « S’il y a quelque chose que vous avez toujours voulu faire, faites-le. C’est très important », me dit le nutritionniste.

J’avais toujours voulu vivre à l’étranger

Ces mots résonnent en moi. Un an après notre conversation, je rencontre un Américain (d’Atlanta) à l’occasion d’un repas de Thanksgiving qu’une amie organise. L’amour. J’avais toujours voulu vivre à l’étranger. Après un an d’une relation à distance, je plie bagages et m’installe à Atlanta où nous nous marions. C’est la toute première fois que j’écoute mon intuition et fait quelque chose pour moi.

Huit années passent pendant lesquelles je travaille en tant que rédactrice free lance et commence mon chemin pour devenir yoga thérapeute. La nouvelle d’un second cancer, en 2014, est un choc tout aussi grand que pour le premier. Surtout que mon père reçoit le diagnostic d’un cancer des poumons au même moment. Je suis mes traitements médicaux et je pars en mission : il me faut absolument comprendre la signification de ma maladie sur le plan émotionnel, voire spirituel.

Je prends vraiment le temps de regarder ce que ce second cancer vient me dire. Pour cela, je fais un travail avec un psychologue, Laurent Malterre, qui me guide. Je fouille mon âme, je revisite ma petite enfance. Je prends conscience que je n’ai été ni vue, ni écoutée. Je réalise que cela m’a fait adopter une stratégie qui m’a permise d’être enfin vue : je donne avec abondance, de ma personne, de mon temps, mon énergie à ma famille, mes partenaires, mes amis, mes responsables hiérarchiques, à qui veut bien prendre. Je donne jusqu’à l’épuisement, le point de non retour, jusqu’à ce que la maladie m’ordonne d’arrêter. Jusqu’au premier cancer. Puis le second. Je prends aussi conscience que je suis une « soignante » dans l’âme. Depuis toujours, je vois le diamant qui se cache en chacun, quelle que soit son histoire.

« Qu’est-ce qui fait de vous qui vous êtes ? »

Un jour, mon psychologue me pose les questions que j’avais besoin d’entendre : « arrêtez d’attendre que les autres voient qui vous êtes. Il est temps que vous regardiez vous-même qui vous êtes. Alors, quelles sont vos croyances, vos valeurs ? Qu’est-ce qui fait que vous êtes vous ? Qu’est-ce qui parle à votre coeur ? Pourquoi êtes-vous ici ? Chaque question m’interpelle au plus profond. Tout ce qui fait ce que je suis–ma pratique du yoga, ma capacité à écouter et à mettre en mots les émotions et sentiments, ma capacité à voir le diamant qui se cache en chacun–, tout cela fait sens tout à coup. Je m’aperçois que, pour être moi, je dois aider les autres à guérir en créant un yoga thérapeutique qui résonne avec ce que je suis au plus profond de moi.

L’énorme entreprise de bâtir mon propre style de yoga thérapeutique commence. J’apprends aussi, peu à peu, à écouter mes besoins propres au lieu de placer ceux des autres avant les miens. Je divorce. Le temps arrive où je dis « non » à des amis qui avaient l’habitude que je sois là, présente pour eux, quelque soit les circonstances. Je pratique la danse, toutes sortes de danse (un rêve de toujours).

Ce chemin vers moi a été, et reste, un long chemin, plein de détours. Mais vous ne pouvez pas vous imaginer quelle fierté je ressens à le regarder.


Photo : dans un cours de danse contemporaine donné par le collectif de danseurs, Fly on a Wall au Windmill Arts Center à deux pas de chez moi, à Atlanta. Ici, deux de mes profs préférés : Jimmy Joyner et Anna Bracewell Crowder.

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