La yoga thérapie m’a sauvé la vie

Je suis une survivante récidiviste du cancer. L’oncologie conventionnelle prends soin de mon corps et de mes cellules. Mais elle a aussi besoin d’un coup de main. C’est pour cela que je pratique la yoga thérapie comme complément. Pour vivre pleinement. Et pas seulement survivre.

Le yoga a été une véritable révélation. J’ai commencé à le pratiquer peu après avoir reçu le diagnostic de mon premier cancer du sein localisé, il y a vingt ans. Quelque chose a changé dès mon premier cours. Je me suis sentie connectée à mon corps. J’ai aussi ressenti une énorme fatigue. Alors qu’auparavant, je n’en avais aucune idée, j’ai pris conscience combien j’avais forcé toute ma vie pour répondre aux besoins des autres. Pour la première fois, grâce au yoga, je « descendais » à l’intérieur de mon corps, je ressentais au lieu de vivre exclusivement dans ma tête.

Ne vous détrompez pas ! Je suis reconnaissante et chanceuse d’avoir reçu les traitements de la médecine conventionnelle depuis 2004. Les progrès scientifiques font des miracles. Néanmoins, l’oncologie se focalise exclusivement sur le corps et néglige, hélas, les autres aspects de l’expérience humaine, l’émotionnel, le mental et le spirituel.

C’est pour ça que la yoga thérapie a été un véritable sauveur pour moi. A tel point que je suis devenue ensuite yoga thérapeute.

J’étais « fracturée »

Je me souviens aussi très bien de l’été 2022 lorsqu’on m’a diagnostiqué un cancer du sein métastatique alors que j’étais en vacances à Paris. Il m’était désormais impossible de poursuivre ma vie à Atlanta. En une semaine, j’ai pris la décision de lâcher ce que j’avais construit aux Etats-Unis pendant des années et de m’installer à nouveau à Paris. Dans la foulée, j’ai commencé mon traitement anticancer conventionnel. Tout se mettait en place. Pourtant sur le plan psychologique, j’étais « fracturée ». Combien de temps me restait-il à vivre ? Chez moi, c’était où ? A Paris, ma terre natale ? Ou bien à Atlanta où j’avais trouvé la « vraie » Elisabeth ? Est-ce que je pouvais légitimement continuer à être yoga thérapeute tout en vivant avec cette maladie ? Je ressentais au plus profond de mon corps la peur mais, plus encore, la confusion et le déracinement.

L’urgence était donc de m’enraciner là où je vivais désormais. Le yoga a de nouveau été la réponse. Jour après jour, j’ai pratiqué dans la nature, dans un parc près de Paris, pour sentir (au sens littéral du terme) cette terre qui était, à la fois, si familière et étrangère pour moi. A la fin de ma pratique de yoga, je m’allongeais sur l’herbe, absorbant l’énergie de la terre et du soleil. Jour après jour, je me sentais un peu plus ancrée, un peu plus forte et stable sur mes deux pieds.

Le corps et l’esprit sont inextricablement liés

Le but de mes séances de yoga thérapeutique était aussi de renforcer mon traitement anticancer conventionnel, de le rendre encore plus efficace. On appelle l’alliance de l’oncologie conventionnelle avec les médecines complémentaires l’oncologie intégrative. Jusqu’à présent, l’alliance marche.

Sept mois après avoir commencé mon traitement, les résultats de mon PET-scan montraient que les métastases au foie et dans le muscle pectoral droit avaient disparu. Le PET-scan suivant, huit mois plus tard, a lui aussi montré des résultats étonnants : une régression de 36 % des métastases restantes (osseuses).

Alors comment fonctionne une pratique comme le yoga thérapeutique ? Qu’est-ce que la science nous dit sur cette pratique millénaire méditative qui associe corps et esprit ?

Le Parc Interdépartemental de Choisy Paris Val-de-Marne (9 km de Paris).
L’écrin de verdure où j’ai pratiqué le yoga thérapeutique pendant l’été et l’automne 2022.

En premier lieu, les yogis disent depuis des milliers d’années que le corps et l’esprit sont inextricablement liés. Ensuite, ils ont aussi compris que la respiration est l’élément central qui fait que le corps et l’esprit vivent entrelacés, l’un soudé à l’autre. C’est d’ailleurs la manière dont le yoga utilise la respiration qui rend cette pratique si efficace. Maintenant, regardons la respiration de plus près.

Le yoga est fait d’exercices de respiration lente et rapide, en coordination avec des mouvements du corps et des membres en particulier. Lorsque vous respirez rapidement, le stock de dioxyde de carbone dans le corps diminue sans pour autant beaucoup augmenter le niveau d’oxygène. Le phénomène peut provoquer des vertiges, des maux de tête et des étourdissements entre autres. C’est pour cela que la respiration rapide doit être faite sous la guidance d’un enseignant de yoga expérimenté. La respiration rapide yogique a aussi des répercussions sur l’humeur. Un exercice de respiration rapide tel que Bhastrika (le soufflet de forge) amène un sentiment d’exaltation, d’énergie jubilatoire.

La respiration yogique influence notre humeur

Lorsqu’au contraire vous respirez lentement, les répercussions au niveau de l’humeur sont tout à fait différentes. L’exercice de respiration lente appelée Ujjayi fait respirer une personne environ dix fois plus lentement qu’un adulte à l’état de repos. Dans ce cas, la respiration lente augmente le niveau de dioxyde de carbone dans le sang. Le phénomène entraine une relaxation profonde, un sentiment de vigilance tranquille, une sensibilité plus aiguisée. En bref, la respiration yogique influence l’humeur. Les exercices de respiration rapide ont tendance à faire monter l’énergie tandis que les exercices de respiration lente ont tendance à la calmer.

Vivre avec la sensation d’un plus grand bien-être. Être dans le moment présent. Prêter attention au ressenti et non plus vivre seulement dans le mental. Voilà une posture qui est un précieux auxiliaire à un traitement anticancer pour aider à sauver une vie.




Source : The Science of Yoga: The Risks and The Rewards (2012) de William J. Broad.

Note : La yoga thérapie ne remplace pas l’expertise et les conseils de votre docteur (généraliste ou spécialiste). Je vous encourage donc à discuter d’abord avec votre docteur de toute décision concernant tout traitement.





8 préceptes pour vivre avec plus de joie en tant que femme atteinte du cancer du sein métastatique et yoga thérapeute

Si le cancer du sein métastatique reste un parcours difficile, nous sommes de plus en plus nombreuses à bien vivre avec la maladie. J’ai envie de partager avec vous huit préceptes qui m’aident à vivre avec plus de joie et d’espoir depuis mon diagnostic il y a 16 mois.

J’ai un besoin viscéral d’être vue telle que je suis. Surtout en ce mois d’Octobre Rose. Alors c’est parti pour vous parler de mes découvertes de ces derniers mois.

Les statistiques le montrent. Le parcours d’une personne atteinte du cancer du sein métastatique (comme moi) est moins souvent couronné de réussite que le parcours d’une personne avec un cancer du sein localisé. Malgré ce constat, nous sommes de plus en plus nombreuses à bien vivre avec la maladie grâce à la découverte de nouveaux progrès issus des essais cliniques, des traitements de plus en plus efficaces et précis et des patients (de plus en plus nombreux) qui combinent les traitements conventionnels avec les médecines complémentaires (médecine intégrative).

Petit rappel : le cancer du sein métastatique est un cancer du sein qui s’est propagé à d’autres parties du corps. La chirurgie, la chimiothérapie, l’hormonothérapie ciblée et toute une gamme de nouveaux protocoles qui sortent sur le « marché » chaque année font partie des traitements conventionnels. Et la guérison dans tout ça ? Selon la médecine conventionnelle, la rémission complète est possible dans certains cas. Par contre, elle affirme qu’il n’y aurait “pas de guérison”. Alors faut-il baisser les bras, se résigner ?

Que le cancer soit derrière moi ou pas (encore), voici huit préceptes qui m’aident à entretenir la joie et l’espoir malgré les hauts et les bas.

Je prends mes décisions
Qu’est-ce qui peut me soigner ? La médecine conventionnelle, bien sûr. Mais quoi d’autre en complément ? Quelles médecines complémentaires suis-je prête à intégrer dans mon plan anticancer ? Comme je suis yoga thérapeute, j’accorde une place importante au yoga dans mon dispositif de soins alternatifs. Tout comme la réflexologie, l’acupuncture, la naturopathie, la psychothérapie, qui ont toute leur raison d’être. Je suis au gouvernail. C’est moi qui décide et qui crée le dispositif de soins le mieux adapté à mon corps, à mon âme.

Je suis ma propre expérience, pas une statistique
Les statistiques peuvent faire trembler de peur. Je garde en tête que je ne suis pas une statistique mais une personne à part entière avec ma propre histoire, mes propres atouts et ma propre vérité.

Je choisis et j’apprécie les personnes qui m’entourent
Amis, famille, collègues, thérapeutes, clients, etc… Les personnes qui m’entourent jouent un rôle crucial. J’ai conscience qu’un bon entourage est vital pour puiser de la force.

Je me connecte à mon corps, dans le moment présent
Le yoga me ramène au moment présent, m’incite à lâcher le mental, m’aide à me connecter à mon corps et me guide afin que j’écoute ce que le corps me dit. Cette pratique m’a tout simplement sauvé la vie.

Je pense au sens de ma vie, souvent
Cela aurait pu être créer une famille ou voyager à travers le monde pour découvrir d’autres cultures (quoique j’ai fait ça aussi en partie) ou m’investir dans la lutte contre le réchauffement climatique. Mais non. Le sens de ma vie, c’est la yoga thérapie. C’est partager avec les autres ce que j’apprends de cette pratique aux bienfaits inestimables. C’est aider les personnes à se connecter à leur corps, dénouer les nœuds et poser des mots sur ce qu’elles ressentent dans les tissus du corps afin qu’elles vivent avec plus d’harmonie dans tous les aspects de leur vie.

Un cours de yoga thérapie en petit groupe en Bretagne en août dernier. C’était le premier cours en personne que j’enseignais depuis plus d’un an.

Je fais ce que j’aime, quoi qu’il arrive
Chanter, danser, prendre un bain de nature, retrouver des amis, partir en week-end, écrire… Je fais ce que j’aime le plus souvent possible même quand je traverse une période d’anxiété (l’attente de résultats suite à un examen médical peut être anxiogène). En faisant ce que j’aime, je suis dans la vie, je nourris mes cellules d’énergie positive, ce qui, à son tour, est bon pour ma santé.

Je suis connectée spirituellement
La sévérité du diagnostic m’a poussé à me connecter plus profondément avec la vie, l’univers, Dieu (quel que soit le nom que vous donnez à ce plus grand que soi). Une amie m’a pointé vers l’American Church in Paris où j’ai rejoint la chorale de gospel. Quelle joie ! Et puis de l’autre côté de l’Atlantique, quelque part dans l’état de la Géorgie, un petit groupe de femmes (que je ne connais pas personnellement pour la plupart) appartenant à la même église se retrouve chaque semaine et prie pour moi et ma santé. Je sens la connexion.

L’American Church in Paris est un petit joyau de ressourcement. Ici, avec quelques uns de mes camarades. A partir de la droite : Pablo (notre ténor) Lisa (notre incroyable chef de choeur de février à juin 23) et Isabelle, une autre « alto » comme moi.

Je suis ma ressource
Mon expérience en tant que survivante du cancer représente un savoir inestimable sur la résilience et la vulnérabilité. D’ailleurs, je vis ma vulnérabilité comme ma plus grande force. Beaucoup peuvent apprendre de cette leçon de vie. J’ai conscience d’être une précieuse ressource. Pour moi. Pour les autres.

Photo sur la bannière : avec mes amis Susan (aussi yoga thérapeute) et John, venus me rendre visite d’Atlanta en août 2023.





Médecine intégrative : ce que la médecine conventionnelle alliée à des pratiques complémentaires ou “sacred work” peut faire

J’utilise la médicine intégrative pour frayer mon chemin à travers le cancer métastatique que l’on m’a diagnostiqué il y a presqu’un an. La médicine intégrative est l’alliance de la médecine conventionnelle avec des approches complémentaires que j’appelle aussi “sacred work” (“travail sacré”). Les premiers résultats obtenus s’avèrent très positifs.

Je suis fière du collage que j’ai créé sous forme de mandala dans mon cours d’art thérapie qu’une association basée près de Paris offre deux fois par mois aux personnes touchées par le cancer. Cela m’aura pris six mois pour choisir les bonnes images et les placer à l’intérieur du mandala que j’avais tracé, sous les instructions de la yoga thérapeute. Ce processus de création m’a permis d’exprimer à quel point je me sentais brisée, en mille morceaux quand on m’a annoncé une récidive de cancer du sein avec des métastases aux os, dans le foie et au-dessus du sein (pectoral droit) en juin 2022 lors d’une visite médicale de routine alors que j’étais en vacances à Paris, ma ville natale (je vivais alors à Atlanta). De manière surprenante, le collage m’a aidée à progressivement recoller les morceaux.

J’étais et suis toujours reconnaissante pour mon oncologue et les progrès de la médecine dans le traitement du cancer. Ceci dit, je savais dès l’annonce qu’il me fallait déployer un dispositif de médecine intégrative pour avoir une chance de m’en sortir.

Selon le National Center for Complementary and Integrative Health américain, “la santé intégrative renvoie à l’adoption de pratiques issues de la médecine conventionnelle et de celles issues des pratiques complémentaires, de manière intégrée ».

C’était imprévu mais j’ai décidé de rester à Paris pour m’y installer, après 16 ans à Atlanta, alors que je rendais visite à ma famille l’été dernier. C’est ce que j’ai dû faire pour me sentir davantage « enveloppée ».

Dès mon diagnostic, j’ai commencé mon traitement conventionnel, une hormonothérapie (cachets et injections). J’ai aussi fait appel à des praticiens en médecine complémentaire pour m’aider à faire le « sacred work » (« travail sacré »), comme dit un pasteur de l’American Church in Paris lorsqu’il parle de processus de développement personnel.

Alors qu’est-ce que ce « sacred work » précisément ? C’est tout ce qui m’a aidé (et continue de m’aider) à guérir ma connexion esprit, corps et âme—la psychothérapie, la naturopathie, la réflexologie, l’art thérapie, la sophrologie et, bien sûr, le yoga.

J’ai revisité les traumatismes

Le « sacred work » est un travail difficile. En psychothérapie, j’ai revisité les traumatismes. Je me suis confrontée à mon sentiment d’insécurité profonde. J’ai exploré comment j’étais aux aguets, dès l’enfance, parce que ça pouvait tourner mal à tout moment avec ma mère qui souffrait de dépression et vivait avec des idées suicidaires. Je me suis frottée à la terreur que mon père avait de tout perdre depuis, qu’adolescent, il avait connu la grande précarité. J’ai analysé mon besoin de devenir la lumière de ma mère pour lui prouver que tout allait bien, pour la sortir de la dépression. J’ai interrogé ma croyance (qui date de la nuit des temps) que je ne pouvais pas être aimée simplement pour qui j’étais mais, qu’au contraire, il me fallait faire beaucoup pour être aimée des hommes que je choisissais—des hommes avec des egos surdimensionnés ou qui ne pouvaient pas tenir debout.

Sur mon tapis de yoga aussi, je me suis adonnée au travail sacré. Le yoga m’a aidée à me réguler, à aller dans l’introspection. Je me suis donnée du temps pour aller dans la respiration profonde, pour que cette respiration puisse dénouer les nœuds, créer de l’espace entre et à l’intérieur des organes, des tissus et du fascia. J’ai ressenti mon corps, mon esprit et mon cœur faire « un » avec l’univers. J’ai écouté mon intuition, et cette connaissance désormais approfondie de qui je suis, j’ai ressenti les émotions et les sentiments émerger. Pour moi qui suis toujours en mouvement, le yoga est vital.

Ma naturopathe m’a recommandé des compléments alimentaires pour contrer les effets secondaires du traitement médicamenteux. Sa foi dans la nature m’a guidée : « Il faut vous connecter physiquement à votre nouvelle terre. Marchez dans la nature, faites du yoga dans la nature, pieds nus, le plus souvent possible ».

Février 2023. Presque huit mois après avoir débuté mon traitement, le PET-Scan a montré que les lésions osseuses avaient un peu progressé tandis que les métastases dans le foie et dans le pectoral droit avaient disparu. « Qu’est-ce que vous en pensez, docteur ? ». « C’est génial ! », a déclaré mon oncologue.

Aucune étude ne peut le prouver mais je suis convaincue que le protocole de médecine intégrative que j’ai déployé, a contribué à l’amélioration de mon état de santé. Il me reste bien sûr encore un bon bout de chemin avant d’atteindre la pleine santé. Néanmoins, un an après mon diagnostic, me voilà prête à enseigner la yoga thérapie en personne à nouveau, à Paris (mon nouveau chez moi). Pour moi, c’est un bon signe. Un sacré bon signe même.

Août 2022. Je fais du yoga dans un parc à Choisy-le-Roi où je vis maintenant, à 8 km au sud de Paris. Pour sentir l’ancrage sur ma nouvelle terre.





Le retour

Mon univers s’est écroulé lorsque l’on m’a diagnostiqué l’été dernier une récidive du cancer du sein avec des métastases osseuses pendant mes vacances à Paris, alors que je vivais aux Etats-Unis. Après un long silence, je retrouve ma voix. Voici qui je suis aujourd’hui.

L’explosion a eu lieu le 24 juin dernier. Je vivais jusqu’alors depuis 16 ans à Atlanta dans l’état de Géorgie. Je passais mes vacances à Paris (ma ville natale) quand mon oncologue m’a annoncé l’impensable : « Il y a quelque chose… C’est une récidive du cancer du sein avec des métastases osseuses ». Sur Le PETSCAN, on distinguait huit endroits impactés sur ma structure osseuse. Huit ans avaient pourtant passé depuis mon deuxième cancer, 18 ans depuis que cette maladie avait fait une première incursion dans ma vie.

Une semaine plus tard, j’ai pris la décision la plus radicale de ma vie. J’ai vite compris que, si j’avais une chance de survivre cette nouvelle épreuve, ce serait en France. J’ai donc choisi de m’installer dans mon pays natal, là où je serais près de ma mère et où j’aurais accès à la couverture santé universelle ainsi qu’au système médical français (bien qu’il soit un système sous haute tension comme partout ailleurs dans le monde). Mon instinct me disait de rester en France, de me concentrer sur le processus de rémission sans même retourner à Atlanta pour déménager. Je n’y suis d’ailleurs pas retournée depuis.

Dans un élan de solidarité incroyable, ce sont mes amis à Atlanta qui ont pris en charge ce que j’aurais dû faire moi-même. Ils ont vidé mon appartement à Atlanta, vendu des affaires, fait des donations, voyagé avec des valises pleines de mes vêtements sur la ligne Atlanta-Paris. Je n’ai toujours pas de mots pour exprimer ma gratitude. Seules des larmes montent quand je pense à ce que mes amis ont fait pour moi.

Je me suis sentie (et me sens toujours) comme parachutée en France, déracinée d’Atlanta.

Heureusement, l’univers m’a envoyée de l’aide lorsque j’ai commencé mon traitement médical au début de l’été. J’ai réussi à trouver un parc naturel régional près de chez moi—la nature se fait rare ici dans cette région avec une densité de population élevée. Je faisais du yoga chaque matin dans la clairière du parc. Pieds nus. Sans tapis. J’avais besoin de sentir (dans tous les sens du terme) la nouvelle terre sur laquelle je marchais. Peu m’importait si des randonneurs ou des gens avec leur chien passaient devant moi. Personne ne pouvait m’arrêter. La pratique du yoga dans la nature était essentielle pour m’aider à garder le peu de santé mentale qui me restait.

Un lien fort avec ma ville adoptive

Une autre chose extraordinaire est arrivée. Mon travail (ou au moins une partie) en tant que yoga thérapeute et prof de français langue étrangère m’a suivie à Paris. J’ai pu continuer à enseigner en ligne à mes étudiants en Géorgie. J’ai, ainsi, préservé un lien fort avec ma ville adoptive. Et puis, l’esprit ainsi occupé, j’avais moins de temps pour penser à la maladie.

Enfin, je me suis entourée de soignants issus de la médecine complémentaire pour m’accompagner dans ce douloureux chemin jalonné de pertes —perte de ma santé, perte de ma tribu de vie à Atlanta.

Et maintenant ? Le cancer impacte sur tous les plans, physique, émotionnel et spirituel. Parce qu’il y a des métastases, je ressens cette nouvelle récidive comme une plus grande gifle encore, une prise de conscience encore plus brutale de ma propre mortalité. Mon oncologue croit en une rémission complète. J’y crois aussi. Quand arrivera-t-elle ? Je ne sais pas.

Plusieurs choses sont en train d’émerger en moi :

  1. Il y a un gros travail émotionnel à faire. Même s’il est difficile, j’ai bien l’intention de le traverser. Je veux comprendre et surtout ressentir les chocs que j’ai vécus et qui ont pu mener à cette nouvelle récidive. Je suis convaincue que ce processus d’introspection est essentiel à ma rémission.
  2. J’ai été si sidérée par le diagnostic que j’en ai perdu ma voix. Cette phase est derrière moi. Je retrouve enfin ma voix pour m’exprimer. Ce billet en marque le commencement
  3. Je continue mon travail de yoga thérapeute et défenseure des patients en faisant connaître et en encourageant la transition vers la médecine et l’oncologie intégrative, c’est-à-dire une médecine qui intègre pleinement les médecines complémentaires dans ses protocoles de soins et ne les considèrent plus seulement comme des « soins de support ». Nos vies, à nous patients et survivants, en dépendent.

Quelle joie de retrouver ma voix, de revenir dans la lumière. Merci à vous, mes lectrices et mes lecteurs, de m’entendre et de me voir.

L’été dernier, j’ai fait du yoga chaque matin dans la clairière d’un parc situé à 5 km de Paris. J’avais besoin de sentir (dans tous les sens du terme) la nouvelle terre sur laquelle je marchais.

Dis-moi comment tu te tiens…

Notre posture physique et nos tensions corporelles sont le reflet de notre expérience de vie. Heureusement, celles-ci peuvent évoluer à tout moment grâce à une modalité comme la yoga thérapie.

Notre corps et notre posture physique en disent long sur notre expérience de vie.

Comment avons-nous été touchés, portés pendant les premiers mois ? Avons-nous pu prendre de la place ? Avons-nous été encouragés à exprimer notre amour, ce que nous sommes ? Avons-nous pu faire l’expérience des potentiels du corps ? Jouer avec la gravité ?

Le besoin de lien à l’autre et la peur d’être rejeté nous font tous adapter notre posture. Chacun de nous répond de manière différente aux critiques : « tiens-toi bien », « reste tranquille ». Certaines phrases peuvent figer des choses pendant l’enfance.

Il est facile de voir comment ces émotions négatives, répétées souvent, peuvent mener vers la contraction musculaire ou, au contraire, à la perte de tonicité musculaire pour, au final, modifier notre posture ou créer une tension dans le corps.

Bonne nouvelle

J’ai une bonne nouvelle : tout est mouvement et rien n’est jamais perdu pour retrouver son axe. Outil puissant, la yoga thérapie peut influencer les postures, le corps et le ressenti.

Pendant une session, il est possible que vous contactiez la peur et la tristesse liée à un évènement précis, qui ont pu se nicher dans le corps sous la forme d’une tension corporelle. Grâce à la respiration yogique, vous sortez du mental et sentez mieux le corps. Le thérapeute peut ensuite vous aider à verbaliser ce que vous ressentez et à accepter les émotions.

Le travail sur les deux niveaux, à la fois verbal et corporel, vous aide à arriver à une version plus « étendue » de vous-même, plus souple et mieux alignée. Attention cependant à ne rien précipiter pendant les sessions de yoga thérapie. La clé, dans cette pratique, est d’aller lentement, de laisser les mouvements–les émotions et les sentiments–émerger, les yeux fermés.

Le changement est aussi au rendez-vous au-delà du tapis de yoga, dans les situations de la vraie vie. Vous pouvez alors trouver une nouvelle manière de vous tenir, dans une nouvelle « posture juste » dans la flexibilité et la force tout à la fois.

Le cancer : la route vers soi

Le cancer a fait de moi ce que je suis. J’aurais préféré apprendre sans avoir à passer par ces épreuves. Pourtant, la vie les a bel et bien mises sur mon chemin. Alors je n’avais plus qu’une solution : y trouver du sens.

L’univers a mis deux cancers du sein sur ma route à dix ans d’écart, le premier en 2004 (grade III) et le second en 2014 (grade III avec deux nodules touchés). Deux explosions atomiques qui ont faconné ma vie et m’ont aidé à trouver qui je suis, aussi bizarre que cela puisse paraîttre.

C’est juste après le diagnostic de mon premier cancer que je pratique le yoga pour la toute première fois et rencontre ma prof de yoga, Aline Frati, à Paris (où je vivais). C’est aussi à ce moment-là que je rencontre un docteur nutritionniste, Dr Ithurriague. Moi qui suis abonnée à la charcuterie, au fromage et au vin, je me retrouve devant Dr Ithurriague m’expliquant l’impact de la nutrition sur le système immunitaire. Je prends la décision de changer mon alimentation, commence à pratiquer le yoga, découvre les bienfaits de la réflexologie et l’acupuncture. J’ai aussi la chance d’avoir tout le temps pour moi pendant l’année de mes traitements puisque le système de santé français me verse 100% de mon salaire.

C’est tout à la fois un temps de repos, de transformation profonde et de deuil de ma vie « d’avant ». Pendant une consultation, Dr. Ithurriague me raconte l’histoire de cet homme qui avait été diagnostiqué d’un cancer incurable. L’homme avait alors décidé de vivre son plus grand rêve : sillonner les mers sur un voilier. Au final, il avait guéri de sa maladie et vécu encore de longues années. « S’il y a quelque chose que vous avez toujours voulu faire, faites-le. C’est très important », me dit le nutritionniste.

J’avais toujours voulu vivre à l’étranger

Ces mots résonnent en moi. Un an après notre conversation, je rencontre un Américain (d’Atlanta) à l’occasion d’un repas de Thanksgiving qu’une amie organise. L’amour. J’avais toujours voulu vivre à l’étranger. Après un an d’une relation à distance, je plie bagages et m’installe à Atlanta où nous nous marions. C’est la toute première fois que j’écoute mon intuition et fait quelque chose pour moi.

Huit années passent pendant lesquelles je travaille en tant que rédactrice free lance et commence mon chemin pour devenir yoga thérapeute. La nouvelle d’un second cancer, en 2014, est un choc tout aussi grand que pour le premier. Surtout que mon père reçoit le diagnostic d’un cancer des poumons au même moment. Je suis mes traitements médicaux et je pars en mission : il me faut absolument comprendre la signification de ma maladie sur le plan émotionnel, voire spirituel.

Je prends vraiment le temps de regarder ce que ce second cancer vient me dire. Pour cela, je fais un travail avec un psychologue, Laurent Malterre, qui me guide. Je fouille mon âme, je revisite ma petite enfance. Je prends conscience que je n’ai été ni vue, ni écoutée. Je réalise que cela m’a fait adopter une stratégie qui m’a permise d’être enfin vue : je donne avec abondance, de ma personne, de mon temps, mon énergie à ma famille, mes partenaires, mes amis, mes responsables hiérarchiques, à qui veut bien prendre. Je donne jusqu’à l’épuisement, le point de non retour, jusqu’à ce que la maladie m’ordonne d’arrêter. Jusqu’au premier cancer. Puis le second. Je prends aussi conscience que je suis une « soignante » dans l’âme. Depuis toujours, je vois le diamant qui se cache en chacun, quelle que soit son histoire.

« Qu’est-ce qui fait de vous qui vous êtes ? »

Un jour, mon psychologue me pose les questions que j’avais besoin d’entendre : « arrêtez d’attendre que les autres voient qui vous êtes. Il est temps que vous regardiez vous-même qui vous êtes. Alors, quelles sont vos croyances, vos valeurs ? Qu’est-ce qui fait que vous êtes vous ? Qu’est-ce qui parle à votre coeur ? Pourquoi êtes-vous ici ? Chaque question m’interpelle au plus profond. Tout ce qui fait ce que je suis–ma pratique du yoga, ma capacité à écouter et à mettre en mots les émotions et sentiments, ma capacité à voir le diamant qui se cache en chacun–, tout cela fait sens tout à coup. Je m’aperçois que, pour être moi, je dois aider les autres à guérir en créant un yoga thérapeutique qui résonne avec ce que je suis au plus profond de moi.

L’énorme entreprise de bâtir mon propre style de yoga thérapeutique commence. J’apprends aussi, peu à peu, à écouter mes besoins propres au lieu de placer ceux des autres avant les miens. Je divorce. Le temps arrive où je dis « non » à des amis qui avaient l’habitude que je sois là, présente pour eux, quelque soit les circonstances. Je pratique la danse, toutes sortes de danse (un rêve de toujours).

Ce chemin vers moi a été, et reste, un long chemin, plein de détours. Mais vous ne pouvez pas vous imaginer quelle fierté je ressens à le regarder.


Photo : dans un cours de danse contemporaine donné par le collectif de danseurs, Fly on a Wall au Windmill Arts Center à deux pas de chez moi, à Atlanta. Ici, deux de mes profs préférés : Jimmy Joyner et Anna Bracewell Crowder.

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A la découverte d’une terre inconnue : la yoga thérapie

La yoga thérapie nous aide à vivre avec plus de bien-être en resserrant le lien inextricable qui existe entre notre corps et notre esprit. Ce soin alternatif d’un genre nouveau repose en grande partie sur la relation entre le praticien et son client. Explications.

Quand je dis que je suis yoga thérapeute, j’entends souvent la même question : « c’est quoi la yoga thérapie ? »

Allons-y pour la réponse. Une session de yoga thérapie n’est pas un cours de yoga comme les autres dans la mesure où le seul objectif du yoga thérapeutique est d’aider la personne à retrouver le chemin vers une meilleure santé physique, émotionnelle ou mentale. Quelle que soit la forme physique ou la morphologie de la personne en question. Ici, la question de savoir si le client fait une pose correctement ou pas est tout à fait secondaire. Pour une meilleure efficacité, la yoga thérapie ne se pratique qu’en session individuelle ou en petit groupe.

Nous sommes un peu plus de 3 800 yoga thérapeutes certifiés par The International Association of Yoga Therapist (IAYT) dans le monde. Autant vous dire que nous sommes des précurseurs et que nous essuyons les plâtres. Quant à l’IAYT, c’est un organisme non-gouvernemental fondé à la fin des années 80 sur la côte Ouest (des Etats-Unis) par une poignée de professeurs de yoga et de docteurs. Ces dernières années, l’association a créé des standards de formation pour les professeurs de yoga qui veulent enseigner la yoga thérapie et les studios de yoga qui proposent une formation en yoga thérapeutique. L’ONG travaille aussi sur un projet à plus long terme : imposer, au niveau fédéral, le yoga thérapeutique en tant que discipline thérapeutique au mème titre que le massage ou l’acupuncture par exemple. Nous n’y sommes pas encore. En attendant, cela ne nous empêche pas d’aider nos clients sur leur chemin du mieux-être.

Qui peut bénéficier de la yoga thérapie ? Toute personne voulant aller plus loin sur son chemin du mieux être et de la guérison : celles qui veulent aller au plus profond de leur ressenti, celles traversées par l’anxiété ou le deuil, les personnes se remettant d’une opération, les patients et les survivants du cancer, etc. La liste est longue.

J’ai commencé à tisser le canevas de mon propre style de yoga thérapeutique il y a 16 ans, bien avant d’obtenir ma certification. Le yoga que j’ai appris pendant 14 ans de ma professeure, Aline Frati, qui enseignait à Paris, fait partie de mon protocole. « On ne peut rien modifier si le corps n’est pas dans la relaxation profonde, » disait-elle. Dans chaque session que j’anime, je guide les participants dans des mouvements lents et la respiration profonde. Tous deux ont pour but d’amener la personne à se relaxer en profondeur et à « écouter » le corps. Quand je dis « écouter le corps », je veux dire prendre conscience des tensions dans le corps et des messages que ces tensions viennent nous délivrer.

Aline Frati, ma professeure de yoga, a enseigné pendant 40 ans à Paris avant de nous quitter en 2018.

Je suis convaincue que la parole dite fait partie intégrante de toute guérison. C’est pour cette raison que dans chaque session que j’anime, je fais la place pour que mes clients puissent nommer ce qu’ils ressentent, où ils en sont dans leur vie et ce que les tensions du corps disent sur leur histoire. Dans ce protocole, l’échange verbal est tout aussi important que la pratique du yoga tout simplement parce que partager notre ressenti et des expériences qui ont du sens pour nous est l’une des choses les plus puissantes que l’on puisse faire pour notre bien-être. Pour cette partie, je travaille sous la supervision de Laurent Malterre, un psychologue, enseignant en psychologie clinique et auteur, basé à Paris.

L’écoute active. L’échange verbal. Et le yoga. C’est ça la yoga thérapie pour moi.

Laurent Malterre, psychologue, dans son cabinet parision. Il a co-animé des retraites dans la région de Bordeaux avec des thérapeutes français formés notamment au renommé Esalen Institute, situé près de San Francisco dans les années 80.


Pourquoi explorer nos fascias ?

C’est dans les fascias, les tissus corporels qui connectent chaque muscle et organe, que se niche notre vécu. Contacter le mouvement interne de ces tissus peut nous amener vers plus de santé et de vivance.

Est-ce vous vous êtes déjà senti(e) totalement connecté(e) avec votre corps ? Si oui, est-ce que vous avez senti combien cela vous a permis d’étre au plus proche de votre ressenti ?

Il existe une façon, entre autre, de se sentir intimement connecté à son corps : c’est en explorant les fascias.

Alors les fascias, c’est quoi ? C’est un terme qui regroupe tous les tissus corporels qui englobent, traversent et entourent chaque muscle et chaque organe du corps, de la tête aux pieds. Les fascias sont des éléments vitaux de notre organisme. Appelés aussi les « autoroutes de l’information », ils transportent très rapidement des substances chimiques et des signaux électromagnétiques partout dans le corps. En fait, c’est à travers les fascias que nous faisons l’expérience de notre vécu, de notre existence.

Pourtant, les fascias ont longtemps été négligés. Heureusement, les choses ont changé ces dernières décennies : la médecine occidentale traditionnelle et la médecine alternative s’y sont intéressées et ont mené des recherches. On sait maintenant que les fascias sont essentiels à la santé.

Retour dans les années 80. Le professeur Danis Bois, kinésithérapeute et ostéopathe, a mis au point une thérapie basée sur un massage extrêmement sensible des tissus mous, qu’il a appellé la fasciathérapie. Danis Bois a cherché à contacter, chez ses patients, le mouvement interne de ces tissus, à repérer son rythme, à le réactiver. Mais voilà, peu de temps après avoir mis au point ce massage, le praticien s’est rendu compte que ce travail corporel pouvait faire ressurgir à la surface des émotions et des souvenirs enfouis. Il a donc décidé de reprendre le chemin de la fac et d’étudier la psychologie (entre autre) afin d’apprendre à accompagner ses clients dans ce travail émotionnel.

« A l’écoute de l’infiniment imperceptible »


La fasciathérapie aide dans de multiples circonstances. Surtout, elle permet d’être plus présent à sa vie, à soi. Elle nous aide à prendre conscience de nos besoins profonds et à prendre soin de nous.

Danis Bois porte notre attention sur le fait que la fasciathérapie n’a pas pour but de modifier l’état de la conscience à l’image de certaines thérapies comme le rebirth qui nous pousse à faire émerger des émotions. Avec la fasciathérapie au contraire, « nous sommes à l’écoute de l’infiniment imperceptible », dit-il.

Savez-vous que le yoga peut, lui aussi, vous aider à agir sur le mouvement interne des fascias ? L’essentiel est de trouver un professeur qui soit présent et qui vous guide dans une pratique du yoga où les mouvements sont lents et qui s’appuie sur la respiration profonde. Ce style de yoga aide, non seulement, à réactiver les fascias, il permet aussi à la personne de ressentir en profondeur les sensations et les tensions qui sont nichées dans le corps. Il ya quelque chose de magique qui se passe lorsque l’on est dans cette perception ultra sensible de son corps. Malgré tout, ressentir ne suffit pas. Si nous voulons guérir de nos blessures, nous avons aussi besoin de la parole. Nous avons besoin de traduire ces sensations et ces tensions en mots, de nommer les sentiments qu’ils cachent. Parce que guérir, c’est tout à la fois ressentir dans le corps et briser le silence.

Sources:
Centre d’Etude et de Recherche Appliquée en Psychopédagogie Perceptive
Fasciapraktijk Amsterdam
– Article “L’éveil sensoriel” published in Inexploré, spring 2021. Inexploré is a French quarterly magazine at the crossroad of science, spirituality and psychology.

Notre corps a toutes les réponses, écoutons-le !

Notre expérience de vie s’exprime dans notre corps. C’est pour cela que j’invite mes clients en yoga thérapie à plonger au plus profond de leur chair pour écouter les messages du corps, puis à se dire, à rencontrer l’autre avec la parole. Pour, au bout du compte, se libérer des blessures émotionnelles.

C’est en surmontant deux maladies graves que j’ai commencé à travailler sur le corps et son intime relation avec le monde des émotions. J’ai beaucoup appris tout au long de ce chemin. J’ai pris conscience que tout traumatisme, toute information qui est trop douloureuse pour qu’elle arrive à la conscience, toute émotion réprimée se loge dans le corps sous forme de tension ou même, parfois, de maladie. J’ai pris conscience que notre psyché fait tout ce qu’elle peut pour oublier ces expériences et ces sentiments douloureux. Nous nous réfugions derrière nos masques et nos protections et, bien souvent, nous mettons le corps de côté.

Si l’on veut aller plus loin sur notre chemin du bien-être, si l’on veut vivre une vie qui est en harmonie avec ce que nous sommes profondément, alors il va nous falloir contacter et ressentir ces émotions enfouies afin de les accepter et les réintégrer en toute conscience dans le parcours de notre vie.

Pour y parvenir, nous allons avoir besoin de l’aide du corps. Tout simplement parce que le corps et la psyché ne font qu’un. Ces deux-là sont comme la main et le gant. Si la main bouge, le gant va bouger aussi. Autrement dit, toute notre expérience de vie s’exprime à l’intérieur de notre corps.

Alors comment ça marche, comment guérir nos blessures émotionnelles avec l’aide du corps ?

Le corps nous parle mais, la plupart du temps, nous ne prêtons pas attention aux signes, nous ne sentons rien. C’est pour cela que tout processus de guérison commence par une pause, par se mettre à l’arrêt. Ma professeure de yoga, Aline Frati, avait l’habitude de dire, “il n’y a pas de guérison sans repos, sans pause».

La question fondamentale : “Qu’est-ce que vous ressentez” ?

La yoga thérapie que j’enseigne s’appuie sur un yoga doux qui amène la personne à se centrer sur une respiration yogique à la fois lente et profonde tout en suivant un enchaînement de poses simples fait, lui aussi, à un rythme très lent. Cette lenteur va permettre d’écouter ce que le corps dit.

Une fois que nous avons écouté les messsages du corps, nous pouvons passer à l’autre étape du processus de guérison qui consiste à mettre en mots ce que nous ressentons, à dire notre expérience de vie. Nous avons besoin de partager nos rêves et nos blessures avec d’autres qui peuvent véritablement écouter et reçevoir qui nous sommes. Pour guérir, il nous faut aussi rencontrer l’autre. C’est pour cette raison que mes cours de yoga thérapeutique commencent et finissent par un cercle de parole. Je demande aux participants de s’engager à participer régulièrement aux cours, pour éviter les ruptures de lien entre les participants. En effet, dans ce travail de yoga thérapeutique, chaque personne avance sur son chemin de guérison grâce à la pratique du yoga, à mon travail de facilitatrice mais aussi à la relation qu’elle a avec les autres personnes du groupe.

Ce chemin de guérison est parfois difficile, il exige courage et patience. Mais quand on parvient à plus de bien-être intérieur et de joie, alors on sait que l’on a eu raison de prendre ce chemin-là et pas un autre.

Photo : Photo: Femme Accroupie , 1880-1882Auguste Rodin. Expo ”Picasso-Rodin” au Musée Picasso à Paris, juin 2021.

« J’ai besoin que vous gardiez la foi »

Comment le chemin vers la guérison d’une plaie post opératoire m’a appris la puissance de la foi.

Mai 2014. Mon mariage est au bord du gouffre. Je viens de reçevoir le diagnostic d’un second cancer du sein–dix ans après le premier. Le lendemain de mon diagnostic, mon père apprend qu’il a un cancer du poumon. C’est un tsunami. Je quitte Atlanta pour m’installer à Paris chez mes parents pour me faire soigner et pour que nous nous retrouvions, protégés, tous les trois sous le même toit.

Mon opération, une tumorectomie sur le sein droit, se passe bien. A un « détail » près. La plaie post-opératoire s’est infectée. Ca tombe mal. Je dois, dans les prochains jours, commencer une chimiothérapie de 4.5 mois.

Infection et chimio ne font pas forcément bon ménage. Pourtant, je n’ai pas d’autre choix que de commencer le traitement « lourd » tout en espérant que l’infection se résorbera.

Miracle. A la fin de la chimio, l’infection disparait. Quel soulagement pour moi bien sûr mais aussi pour mon chirurgien. Je me retrouve pourtant face à un autre problème. La plaie s’est ouverte. Elle doit être soignée en allant du centre vers l’extérieur afin d’éviter que l’infection ne ré-apparaisse. Chaque jour, je dois voir une infirmière pour qu’elle nettoie et désinfecte la plaie, qu’elle y mette une nouvelle compresse et un pansement propre. Je dois vivre ce rituel quotidien jusqu’à la cicatrisation complète. Combien de temps est-ce que cela va durer ? Personne ne sait. D’autant que nous sommes au creux de l’hiver, une période où l’organisme et le système immunitaire fonctionnent au ralenti.

Deux mois plus tard, la plaie en est toujours au même point. J’ai rendez-vous chez mon chirurgien pour ma visite bimensuelle. C’est rare mais, ce jour-là, je me sens découragée. « Pour que la plaie guérisse, j’ai besoin que vous gardiez la foi », me dit Dr Dulaurans. Ses mots me secouent. Ils font echo à ce que me dit depuis des mois mon ami réflexologue, Rodrigue Vilmen : « Tu es tiraillée, tu refuses de laisser partir John et ton mariage. La plaie est l’expression de cette bataille émotionnelle. Aie confiance. Va dans le sens de la vie sans résistance. La plaie cicatrisera au printemps au moment où tu y verras plus clair ».

Six mois plus tard. C’est exactement ce qu’il se passe.

Aujourd’hui, je m’adresse à vous via ce blog pour vous demander la même chose : gardez la foi.