Le retour

Mon univers s’est écroulé lorsque l’on m’a diagnostiqué l’été dernier une récidive du cancer du sein avec des métastases osseuses pendant mes vacances à Paris, alors que je vivais aux Etats-Unis. Après un long silence, je retrouve ma voix. Voici qui je suis aujourd’hui.

L’explosion a eu lieu le 24 juin dernier. Je vivais jusqu’alors depuis 16 ans à Atlanta dans l’état de Géorgie. Je passais mes vacances à Paris (ma ville natale) quand mon oncologue m’a annoncé l’impensable : « Il y a quelque chose… C’est une récidive du cancer du sein avec des métastases osseuses ». Sur Le PETSCAN, on distinguait huit endroits impactés sur ma structure osseuse. Huit ans avaient pourtant passé depuis mon deuxième cancer, 18 ans depuis que cette maladie avait fait une première incursion dans ma vie.

Une semaine plus tard, j’ai pris la décision la plus radicale de ma vie. J’ai vite compris que, si j’avais une chance de survivre cette nouvelle épreuve, ce serait en France. J’ai donc choisi de m’installer dans mon pays natal, là où je serais près de ma mère et où j’aurais accès à la couverture santé universelle ainsi qu’au système médical français (bien qu’il soit un système sous haute tension comme partout ailleurs dans le monde). Mon instinct me disait de rester en France, de me concentrer sur le processus de rémission sans même retourner à Atlanta pour déménager. Je n’y suis d’ailleurs pas retournée depuis.

Dans un élan de solidarité incroyable, ce sont mes amis à Atlanta qui ont pris en charge ce que j’aurais dû faire moi-même. Ils ont vidé mon appartement à Atlanta, vendu des affaires, fait des donations, voyagé avec des valises pleines de mes vêtements sur la ligne Atlanta-Paris. Je n’ai toujours pas de mots pour exprimer ma gratitude. Seules des larmes montent quand je pense à ce que mes amis ont fait pour moi.

Je me suis sentie (et me sens toujours) comme parachutée en France, déracinée d’Atlanta.

Heureusement, l’univers m’a envoyée de l’aide lorsque j’ai commencé mon traitement médical au début de l’été. J’ai réussi à trouver un parc naturel régional près de chez moi—la nature se fait rare ici dans cette région avec une densité de population élevée. Je faisais du yoga chaque matin dans la clairière du parc. Pieds nus. Sans tapis. J’avais besoin de sentir (dans tous les sens du terme) la nouvelle terre sur laquelle je marchais. Peu m’importait si des randonneurs ou des gens avec leur chien passaient devant moi. Personne ne pouvait m’arrêter. La pratique du yoga dans la nature était essentielle pour m’aider à garder le peu de santé mentale qui me restait.

Un lien fort avec ma ville adoptive

Une autre chose extraordinaire est arrivée. Mon travail (ou au moins une partie) en tant que yoga thérapeute et prof de français langue étrangère m’a suivie à Paris. J’ai pu continuer à enseigner en ligne à mes étudiants en Géorgie. J’ai, ainsi, préservé un lien fort avec ma ville adoptive. Et puis, l’esprit ainsi occupé, j’avais moins de temps pour penser à la maladie.

Enfin, je me suis entourée de soignants issus de la médecine complémentaire pour m’accompagner dans ce douloureux chemin jalonné de pertes —perte de ma santé, perte de ma tribu de vie à Atlanta.

Et maintenant ? Le cancer impacte sur tous les plans, physique, émotionnel et spirituel. Parce qu’il y a des métastases, je ressens cette nouvelle récidive comme une plus grande gifle encore, une prise de conscience encore plus brutale de ma propre mortalité. Mon oncologue croit en une rémission complète. J’y crois aussi. Quand arrivera-t-elle ? Je ne sais pas.

Plusieurs choses sont en train d’émerger en moi :

  1. Il y a un gros travail émotionnel à faire. Même s’il est difficile, j’ai bien l’intention de le traverser. Je veux comprendre et surtout ressentir les chocs que j’ai vécus et qui ont pu mener à cette nouvelle récidive. Je suis convaincue que ce processus d’introspection est essentiel à ma rémission.
  2. J’ai été si sidérée par le diagnostic que j’en ai perdu ma voix. Cette phase est derrière moi. Je retrouve enfin ma voix pour m’exprimer. Ce billet en marque le commencement
  3. Je continue mon travail de yoga thérapeute et défenseure des patients en faisant connaître et en encourageant la transition vers la médecine et l’oncologie intégrative, c’est-à-dire une médecine qui intègre pleinement les médecines complémentaires dans ses protocoles de soins et ne les considèrent plus seulement comme des « soins de support ». Nos vies, à nous patients et survivants, en dépendent.

Quelle joie de retrouver ma voix, de revenir dans la lumière. Merci à vous, mes lectrices et mes lecteurs, de m’entendre et de me voir.

L’été dernier, j’ai fait du yoga chaque matin dans la clairière d’un parc situé à 5 km de Paris. J’avais besoin de sentir (dans tous les sens du terme) la nouvelle terre sur laquelle je marchais.