Docteurs, thérapeutes,… Nous, les soignants, nous sommes tous des « guérisseurs blessés » comme l’évoque le psychologue Carl Jung. Ces mots résonnent chez moi à la fois en tant que personne blessée et en tant que soignante.
Mon ami, Randy Spiers, astrologue, a été le premier à me parler du « guérisseur blessé ».
Le psychologue Carl C. Jung, qui s’est intéressé aux archétypes, a développé la notion de « guérisseur blessé » pour décrire le processus qui se met en place entre un docteur et son patient, entre un guérisseur et son client. Jung est allé chercher l’origine de ce phénomène dans la mythologie grecque.
Jung a associé le soignant à Chiron, le centaure, mi-homme mi-cheval, qui avait une immense capacité à soigner. Selon le mythe, Chiron a été accidentellement blessé par une flêche empoisonnée d’Héraclès. Chiron a survécu, souffrant d’une blessure incurable jusqu’à la fin de ses jours. Il a continué à soigner les souffrants, jusqu’à ce qu’on lui donne l’opportunité de devenir mortel et de mourir. C’est grâce à sa blessure que Chiron est devenu un guérisseur légendaire.
« Survivante » du cancer et yoga thérapeute, je me considère, moi aussi, comme une guérisseuse blessée.
Il y a cinq ans, j’ai commencé à regarder ma blessure de plus près. Je sortais de mon second cancer. J’avais besoin de comprendre ma maladie. Que me disait-elle ? Dans ce processus, je suis remontée à mon enfance. Ma mère était dans une dépression profonde, totalement absente affectivement, sous valium. Mon père était occupé à travailler dur. Pendant ce temps, ni l’un ni l’autre ne portait leur regard sur moi. C’était comme si je n’existais pas.
Un besoin irrépressible d’être vue
Le fait de ne pas avoir été vue ni entendue enfant a laissé une profonde empreinte en moi. Comme tout autre personne, j’avais un besoin irrépressible d’être vue et entendue. J’ai pris conscience que j’avais développé, depuis ma petite enfance, une stratégie pour exister aux yeux des autres : je donnais abondamment en tout, en temps, en affection, en attentions…, pour être aimée. Je donnais aux camarades de classe, à ma famille, à mon amoureux, mes amis, mes clients, bref à tout le monde. Je donnais au point de m’épuiser, au point de tomber malade.
C’est comme ça que deux cancers ont fait irruption dans ma vie, à dix ans d’intervalle. La première fois, la maladie est survenue à la suite d’une relation abusive qui a duré dix ans.
Une fois remise, j’ai traversé l’océan et recommencé à zéro.
Parce que je croyais–et je crois toujours–à une vie à deux, je me suis mariée. Là encore, j’ai fait beaucoup pour être aimée. Là encore, je n’étais ni vue ni entendue. Le corps a parlé à nouveau, la maladie a réapparu. Dans mon parcours de guerison, j’ai eu l’immense courage de quitter notre relation.
J’ai laissé tomber ma carrière de journaliste d’entreprise pour créer mon propre style de yoga thérapeutique. J’y ai mis tout ce que j’avais appris tout le long de mon parcours. Pour la première fois de ma vie, je me suis sentie vue et entendue. Par mes clients.
Mon chemin a été ponctué d’autres « au revoir ».
Mon premier cancer a été le point de départ d’un voyage vertigineux vers la santé. Chaque étape de ce voyage a eu et a toujours un seul et unique but : me permettre d’être vue et entendue. C’est mon engagement envers moi-même, c’est ma mission en tant que personne et en tant que yoga thérapeute.
Sources:
– The Wounded Healer as Cultural Archetype (Purdue University)
– The Wounded Healer: A Jugian Perspective (jungatlanta.com)